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Carpobrotus acinaciformis (L.) L.Bolus, 1927


Nom(s) vernaculaire(s)Griffe de sorcière, Ficoïde à feuilles en sabre
FamilleAizoaceae
OrigineAfrique
Date d’introductiondéb-XIXe

Statuts

Régions administratives
PACAOccitanieCorse
MajeureMajeureMajeure

Zones biogéographiques continentales
Sud-OuestPyrénéesMéd. Occ.Méd. PACAMassif CentralAlpine
AbsenteAbsenteEmergenteEmergenteAbsenteAbsente


Description

  • Port : plante grasse vivace rampante, sub-ligneuse, formant des tapis végétaux (monospécifiques) qui s'étalent sur des zones ouvertes, telles que les côtes rocheuses, les dunes et le matorral.

  • Feuilles : charnues, à 3 angles, plus ou moins recourbées au somment formant une griffe. Elles sont opposées et séparées par un entrenœud de plusieurs centimètres. Longues de 5 à 8 cm et épaisses de 15 à 18 mm, la section transversale forme un triangle isocèle. Couleur allant du vert au rouge en fonction des conditions climatiques (température et humidité).

  • Tiges : rampantes ou pendantes à 3 angles.

  • Fleurs : en position terminales et solitaires, fleurs roses pourpres (magenta) à sépales presque égaux, de 5 à 12 cm. Floraison d'avril à mai.

  • Fruits : charnus en forme de figue, comestibles, contenant 80% d'eau. Nombreuses graines de 1 mm de long (plus de 700) engluées dans un mucilage très collant.

  • Taille : jusqu'à 55 cm de haut.

  • Confusions possibles : avec Carpobrotus edulis qui se distingue par une section de feuille en forme de triangle équilatéral et des fleurs blanc-jaunâtre. Carpobrotus acinaciformis apparaît moins envahissant. Les hybridations entre les deux taxons doivent être déterminées par des analyses morphologiques et génétiques.



Cartes

Répartition par mailles INPN de 5*5 km
Fréquence par départements

Altitudes
Biologie et écologie
MilieuxCôtes rocheuses et falaises ; Dunes côtières et plages de sable ; Milieux anthropiques
Type de reproduction / propagation

La consommation des fruits par les animaux, principalement les rats et les lapins, permet la dissémination des graines à plus de 150 m du plant mère (Bourgeois et al., 2005). L’ingestion par les mammifères favorise la germination de ces graines (endozoochorie). Le transport secondaire des graines par myrmécochorie (transport par les fourmis) est également possible. La croissance rapide des stolons (jusqu’à 1m/an) leur permet de couvrir rapidement de grandes surfaces. Des boutures de tiges transportées par l'eau de mer ou par les oiseaux (pour la confection des nids) assurent plus rarement la colonisation de nouveaux espaces.

Type(s) biologiqueChaméphyte

Phénologie
Floraison (mois)JFMAMJJASOND


Impacts et aspects positifs
Impacts écologiques

Local : En région PACA : les impacts des griffes de sorcière ont été bien étudiés sur l'île de Bagaud (Parc national de Port-Cros, Var). Elles provoquent une diminution très nette de l’abondance et de la richesse des plantes indigènes, une modification des propriétés du sol et une restructuration des réseaux de pollinisateurs indigènes. Cette espèce représente une menace forte pour des espèces rares et menacées des écosystèmes littoraux méditerranéens comme le statice nain (Limonium pseudominutum) ou encore la romulée de Florent (Romulea florentii).

L'espèce impacte aussi la romulée d'Arnaud (Romulea arnaudii) qui est une espèce végétale très rare et protégée en région PACA et inscrite sur la liste rouge régionale (espèce en danger critique d'extinction). Cette espèce est endémique de la presqu'île de Saint-Tropez (Var) et menacée notamment par la concurrence avec les stations de griffes de sorcière.


D'après la bibliographie : Les espèces du genre Carpobrotus figurent parmi les plantes introduites les plus problématiques et induisent de forts impacts négatifs sur la biodiversité à l'échelle locale et mondiale, se propageant dans des habitats naturels qui hébergent des taxons végétaux rares et endémiques tels que les îles et écosystèmes méditerranéens.

La présence des griffes de sorcières provoque une forte diminution de la diversité végétale et menace des espèces patrimoniales des rochers littoraux en entrant directement en compétition avec les espèces végétales indigènes (pour l’espace et les ressources mésologiques notamment). Cela entraine, indirectement, une modification de l’habitat (altération de la stabilité du substrat et de la géomorphologie, simplification des réseaux trophiques, altération de la chimie des sols, banalisation du cortège floristique et entomologique, etc.). Cette espèce modifie aussi les caractéristiques du sol par l'émission de tanins et de substances allélopathiques (anti-bactériennes). Cela constitue une barrière à la germination des graines d'espèces végétales indigènes, induit un ralentissement de la décomposition de la matière organique, une acidification du sol et une augmentation de la concentration en azote et en carbone.

De plus, les fleurs des griffes de sorcières attirent certains pollinisateurs, qui délaissent certaines plantes indigènes comme le lotier faux-cytise (Lotus cytisoides) par exemple. Les Carpobrotus ont à la fois des impacts négatifs sur la richesse moyenne des espèces et sur l'abondance des populations de coléoptères, d'hyménoptères (formicidés) et d'hétéroptères (Braschi, 2021).


Impacts sanitaires

D'après la bibliographie : Aucun impact sanitaire connu actuellement.


Impacts sur les activités humaines

D'après la bibliographie : Aucun impact socio-économique connu actuellement.


Aspects positifs

Local : En région PACA et Occitanie : c'est une espèce plantée en région pour ses qualités esthétiques et paysagères (Filippi & Aronson, 2010).


D'après la bibliographie : Les fruits sont riches en eau et en énergie et peuvent être consommés par les petits mammifères. Cette plante permet aussi d'offrir un gite à quelques espèces (reptiles par exemple).



Gestion

Carte des actions réalisées

Méthodes de contrôle ou d’éradication
Prévention

Éviter de planter cette espèce.

Méthodes de contrôle ou d’éradication manuelles

L’arrachage manuel des griffes de sorcière est efficace à condition d’éviter de laisser des fragments sur place (risques de reprise et de bouturage) ou de faire en sorte que les plants arrachés de griffes de sorcière ne peuvent pas se remettre en terre, en prenant soin de mettre les racines vers le haut pour que l'individu sèche le plus rapidement possible. Les racines sont petites et persistent après l'arrachage.

L’efficacité du contrôle est accrue quand les rémanents de l'espèce sont prélevés du site. Dans les lieux pentus, il est cependant conseillé d’enrouler la matte de griffes de sorcière sur elle-même pour former des andains, le poids de l'ensemble laissé au soleil permettra d'augmenter la dégradation de la plante.

Après éradication, un suivi sur une période de cinq années minimum s’impose afin de continuer l’arrachage des repousses de Carpobrotus et des nouvelles germinations (provenant de la banque de graines du sol), ainsi que pour suivre le rétablissement des espèces végétales indigènes, la bonne restauration de l'écosystème et pour limiter les colonisations secondaires d’autres espèces végétales exotiques envahissantes.

Sur l'île de Bagaud (Parc national de Port-Cros, Var), dix années d'arrachage manuel ont été nécessaires pour que l'objectif d'éradication du site de l'ensemble des individus de Carpobrotus soit atteint.

Méthodes de contrôle ou d’éradication mécaniques

L'arrachage mécanique n'est pas adapté dans le cas des griffes de sorcière, qui colonisent le plus fréquemment les fortes pentes.

Méthodes de contrôle ou d’éradication chimiques

L'emploi d'herbicides a été testé sur des îlots corses pour limiter la propagation de l'espèce. Cette technique a consisté à badigeonner le produit au pinceau sur les feuilles de chaque ramification. Même si les résultats ont semblé concluants à court terme, la nature des produits chimiques restant dans le sol n'est pas connue ni ses potentiels impacts sur les espèces indigènes en zones limitrophes à la zone traitée. Attention! l’utilisation d’herbicides est interdite à moins de 5 m d’un cours d’eau ou d’une zone de captage et inappropriée en sites naturels. Les méthodes de lutte chimique ont des impacts négatifs sur l’environnement et la santé humaine : il est indispensable de privilégier des méthodes alternatives. De plus, il est nécessaire de se tenir au courant de la législation en vigueur en matière d'utilisation de produits phytosanitaires : http://e-phy.agriculture.gouv.fr/

Méthodes de contrôle ou d’éradication biologiques ou écologiques

L'herbivorie (par des insectes par exemple) peut réduire l’établissement des semences et ralentir l'envahissement dans les dunes de sable et les sites incendiés. Une contrainte sur la production de semences ou de germination serait le moyen le plus efficace de contrôler la griffe de sorcière sur le long terme. Deux cochenilles introduites ont causé une mortalité à grande échelle de la griffe de sorcière en Californie dans les années 1970.

Les options de contrôle biologique sont actuellement limitées, puisque les agents pathogènes qui attaquent les griffes de sorcière ne sont pas spécifiques à l'espèce.

Le paillage peut être aussi pratiqué pour empêcher le rétablissement de l'espèce. Pour les dunes de sable, l'ensemencement d'espèces indigènes herbacées a parfois été testé pour limiter la reprise de la griffe de sorcière mais il n'a cependant pas été efficace.

Méthodes inefficaces ou inappropriées

L'arrachage mécanique n'est pas adapté dans le cas des griffes de sorcière, qui colonisent le plus fréquemment les fortes pentes.

Gestion des déchets

Les rémanents peuvent être évacués avec précaution et en évitant la dispersion des graines ou séchés au soleil (en évitant que les racines puissent retoucher le sol).

Précautions

Avant toute intervention, il faut s’assurer du substrat sous-jacent afin de ne pas provoquer d’importants phénomènes érosifs post-éradication. Si le substrat risque de s'effriter, il est recommandé de ne pas enlever les tapis de griffes de sorcière d'un coup (mais de procéder à des arrachages progressifs) afin de laisser le temps à la banque de graines d'espèces indigènes présente dans le sol de s'exprimer et de limiter le phénomène d'érosion.

Pour que la gestion soit efficace, un suivi pour arracher toute nouvelle repousse est indispensable, jusqu'à épuisement de la banque de graines, ce qui peut prendre dix ans.

Commentaires

Les individus hybrides de Carpobrotus acinaformis et de Carpobrotus edulis sont plus résistants que les pieds mères.

Des techniques de feux contrôlés montant à des températures supérieures à 105°C pendant 5 minutes permettraient de détruire les fruits et la banque de graine du sol, cependant ces méthodes de gestion en milieu naturel sont réglementées et ne sont pas conseillées surtout pour les écosystèmes méditerranéens (car le risque d'incendie est trop important).

Dans les systèmes insulaires, les opérations d’éradication et de contrôle sont complexes du fait des interactions mutualistes existantes dans le processus d’envahissement des griffes de sorcière (par exemple, dispersion des graines par les animaux, etc.). Cependant, les Carpobrotus représentant un danger réel pour la biodiversité animale et végétale locale, aggravé par leur capacité de colonisation rapide, ce qui peut entraîner jusqu’à la disparition de certains groupes fonctionnels au sein de divers taxons : leur contrôle s’avère donc indispensable pour préserver le patrimoine biologique de ces milieux.


Sources bibliographiques

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Cottaz C., Aboucaya A., Krebs E., Passetti A. & Buisson E. (coord.), 2020. Programme de restauration écologique de la réserve intégrale de l'île de Bagaud, Parc national de Port-Cros. Synthèse des activités et résultats du programme décennal - Phase 2010-2019. Rapport du Parc national de Port-Cros et du Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles, 118 p + annexes. Disponible sur : http://www.portcros-parcnational.fr/fr/des-connaissances/patrimoine-naturel/la-reserve-integrale-des-ilots-de-port-cros/lile-de-bagaud-0

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Citation recommandée : CBNMed, 2021. Carpobrotus acinaciformis [en ligne]. INVMED-Flore, plateforme sur les invasions biologiques végétales. Conservatoire botanique national méditerranéen et Conservatoire botanique national de Corse. Disponible sur : http://www.invmed.fr

Auteurs CBNMed : EK, MR, PS, KD, MH, CC, CS
Révision : 2021



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