Photo Acacia karoo (c) Petit Y. (CBNC)

[PACA] Projet d'éradication d'une plante émergente : l’herbe à alligator (expérimentation et gestion multipartenariale)

Actions dans le cadre de la Stratégie relative aux espèces végétales exotiques envahissantes (EVEE) PACA et d’une expérimentation de méthodes de gestion de l’herbe à alligator (Alternanthera philoxeroides (Mart.) Griseb., 1879)

Contexte :

Un projet d’expérimentation de gestion d'une espèce végétale exotique envahissante émergente, l'herbe à alligator, a été monté dès 2014, coordonné par le Conservatoire botanique national méditerranéen (CBNMed) et financé par la DREAL PACA. Les partenaires de cette opération sont l’Office français de labiodiversité (OFB, anciennement l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, ONEMA), le Syndicat mixte de l’Ouvèze provençale (SMOP), le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) PACA et la Fédération de pêche du Vaucluse (FDPPMA 84).

Historique :

L’herbe à alligator (Alternanthera philoxeroides) est originaire des régions tempérées d’Amérique du Sud. Elle a été introduite en région PACA et les analyses de risque effectuées par le CBNMed ont démontré son caractère envahissant, notamment à cause des impacts importants qu'elle peut avoir à travers les régions tropicales et tempérées du globe comprenant les États-Unis, la Chine, l’Inde, le sud-est de l’Asie et la Nouvelle-Zélande.

Elle a été observée pour la première fois en région PACA en 2013, par le bureau d’étude Aquascope, sur l’Ouvèze à Sorgues (Vaucluse). Le gestionnaire de ce site est le Syndicat mixte de l’Ouvèze Provençale (SMOP).

C’est une espèce végétale exotique envahissante (EVEE) qui peut se développer sur terre et dans l’eau. En effet, celle-ci a une forte capacité de dispersion par fragment, multipliant les sites potentiels d'installation de l'espèce. Cela aboutit à la formation de peuplements monospécifiques, qui peuvent provoquer l’exclusion d’espèces indigènes rares et menacées (notamment en milieux humides, fragiles) et induire une baisse de la biodiversité. Cela induit une banalisation des habitats naturels envahis et une homogénéisation du paysage. C’est d’autant plus vrai que les milieux aquatiques sont des écosystèmes vulnérables.

Également, l’herbe à alligator en raison de sa croissance excessive peut gêner les activités économiques et touristiques. Sa forme terrestre peut causer la dégradation des terres agricoles et des pâturages.

En raison de sa forte prolifération, de ses impacts et de sa difficulté à être contrôlée, elle est réglementée et considérée comme préoccupante à l’échelle européenne (Règlement UE n°1143/2014). Des mesures d’éradication doivent rapidement être mises en place en début d’invasion (Article 16). Ce Règlement européen est transcrit dans la législation et la réglementation française grâce à la parution de l’arrêté interministériel du 14 février 2018 relatif à la prévention de l'introduction et de la propagation des espèces végétales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain (JO du 22 février 2018).

Plus d’informations sur les espèces réglementées à l’échelle européenne : https://invmed.fr/src/res/regl.php?idma=51

Aussi, de par la localisation de la station originelle connue (à 3km en amont de la confluence avec le Rhône) il existe un fort risque de dispersion dans le Rhône. D’après la Stratégie régionale relative aux EVEE en région PACA, l’herbe à alligator est une espèce dite "émergente". En effet, elle n’a été observée en 2013 que dans une seule station en région, la population formée par cette espèce a un fort recouvrement et elle a de forts potentiels d'impacts dans ses zones d'introduction.

Plus d’information sur la Stratégie EVEE PACA : https://www.invmed.fr/src/strat/strat_paca.php?idma=31

C’est pour ces différentes raisons que le CBNMed a initié la mise en place d’une expérimentation de gestion à visée d'éradication de la population de Sorgues simultanément à de la mobilisation territoriale d'acteurs pour les sensibiliser à cette problématique.(diffusion d'une note d’alerte, organisation de réunions sur site dès 2015 avec de nombreux acteurs, etc.).

Actions menées :

  • État des lieux :

En 2015, le CBNMed a réalisé un état des lieux permettant d’estimer la taille de la station d’origine, à Sorgues, qui s’étend sur 300 mètres linéaires (soit plus de 1 000 m²).

  • Expérimentation de méthodes de gestion :

La localisation du site au niveau du centre ville sur une berge stabilisée par des enrochements rend impossible la réalisation d’une opération d’éradication de l’herbe à alligator par voie mécanisée. En effet, cela aurait nécessité le déplacement temporaire des blocs superficiels, opération risquée pour la stabilité de la berge et ainsi pour la sécurité humaine en raison des crues. À la place, une expérimentation d’arrachage manuel a été menée entre 2016 et 2018 afin de déterminer si cette méthode pouvait permettre d’éradiquer l’EVEE sur l’ensemble de la station. Trois modalités d’expérimentation ont été testées par le CBNMed, pour comparer leur efficacité :

  1. Un arrachage annuel mené en été (juin).
  2. Deux arrachages annuels, l’un en été (juin), l’autre en automne (septembre).
  3. La pose d’une bâche permanente suite au premier arrachage d’été (juin 2016).

Afin d’évaluer les risques potentiels sur les sites NATURA 2000 à proximité du site traité (dans les 5 km en amont et les 3 km en aval du site), avant chaque opération annuelle, un formulaire d’évaluation simplifiée des incidences NATURA 2000 a été adressé à la Direction départementale des territoires du Vaucluse (DDT 84).

Plus d’informations : https://invmed.fr/src/agir/action-fiche.php?id=9

  • Suivi :

Le suivi a été réalisé avec l’assistance de nombreux partenaires : le Lycée professionnel agricole La Ricarde, l’OFB, la FDPPMA 84, etc.

  • Sensibilisation / Formation :

Une journée de formation a été organisée par le CBNMed et la Direction interrégionale PACA-Corse de l’OFB, dans le but d’informer les acteurs et techniciens des structures gestionnaires de cours d’eau. Une fiche de reconnaissance de l’espèce a été distribuée afin depermettre son identification lors de prospections en amont et en aval de la population observée. Aussi, des sessions d'information et de présentation de la problématique « herbe à alligator » sur le site de détection (Sorgues, Vaucluse) ont été animées de 2016 à 2018 afin de sensibiliser les acteurs locaux et de montrer les actions d'expérimentation de gestion visant l'éradication de l'espèce.

Plus d’information sur la formation à la reconnaissance de cette EVEE : https://invmed.fr/_DATA/RES/Initiatives/[CBNMed%202019]%20Alternanthera%20formation.pdf

Plus d’information sur les sessions d’information et de présentation de la problématique « herbe à alligator » : https://www.invmed.fr/src/agir/action-fiche.php?id=8

Une réunion de restitution de l’expérimentation de gestion sur la station de Sorgues et des opérations nécessaires pour parvenir à son éradication ont été organisées par le CBNMed en 2019 auprès des acteurs concernés. L’itinéraire technique retenu et le budget prévisionnel de l’opération ont été présentés aux partenaires. Des démarches ont été effectuées auprès de diverses structures pour trouver comment financer le projet et un courrier d’alerte a été envoyé au Préfet du Vaucluse et au Préfet de Région (PACA).

  • Prospections /détection précoce :

Depuis 2016, le CBNMed et ses partenaires - les agents du service départemental du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône de l’OFB, le Parc naturel régional de Camargue (PNRC), etc. prospectent en kayak et en bateau l’Ouvèze en amont et en aval de la station ainsi que le Rhône (et lePetit Rhône) afin de détecter d’éventuelles nouvelles stations d’herbe à alligator.

En juillet et septembre 2019, deux sessions de prospection multipartenariales ont été organisées par le CBNMed regroupant de nombreux partenaires (OFB, PNRC).

  • Opérations de gestion :

En dépit de l’alerte lancée en 2014 par le CBNMed à destination du gestionnaire du site et du Préfet du département de Vaucluse, la source contaminante située dans la zone urbaine de Sorgues n’avait toujours pas pu être gérée en 2020.

Au niveau du Rhône (communes d’Avignon et du Pontet), la Compagnie nationale du Rhône (CNR) a entrepris des actions de gestion en 2020, 2021 et 2022. La Communauté d’agglomération du Grand Avignon (CAGA), le Parc naturel régional de Camargue (PNRC), le CBNMed, l’OFB et Voies navigables de France (VNF) ont participé aux chantiers partenaires d’arrachage manuel en 2020 et/ou 2021. En 2022, seule la CNR a entrepris des actions de gestion de l'espèce sur le Grand-Rhône. Au niveau du Petit-Rhône (commune des Saintes-Maries-de-la-Mer), le PNRC a engagé une opération d’arrachage manuel avec la société AGIR Écologique.

  • Expérimentation sur les graines :

Le CBNMed et l’OFB ont mené différents tests de germination ex-situ afin de savoir si cette EVEE produisait des graines fertiles. Actuellement aucune graine n’a été observée sur les hampes florales prélevées sur la station de Sorgues.

  • Gestion et valorisation des déchets verts (rémanents des opérations de gestion) :

Des partenariats avec différentes structures, comme les ateliers LUMA (Arles), ont permis d'étudier les diverses façons de valoriser les déchets verts issus de cette plante. Ainsi, les déchets verts de cette EVEE peuvent être valorisés par compostage industriel. En effet, elle est seulement capable de se disséminer à partir de petits fragments et ce procédé permet une montée en température suffisante pour détruire la plante. Néanmoins elle ne peut pas être épandue directement, sans compostage préalable.

L’espèce est acceptée et traitée sur deux sites :
*Suez Recyclage et valorisation : plateforme de valorisation des déchets (incinération des sacs de déchets verts et limon, pris en charge par la CAGA).
*Centre de compostage Alcyon Bollène (pris en charge par la CNR, sous convention).

  • Valorisation des actions, des résultats et retours d'expériences :

L'ensemble des actions concernant la prospection et la gestion de cette espèce ont été saisies sur le site internet INVMED-Flore, afin que ceux-ci soient visibles par les acteurs régionaux (carte interactive et description des actions).

Plus d’informations: https://invmed.fr/src/agir/valo.php?idma=44

 

Résultats :

  • Itinéraire technique recommandé :

Lors d’une réunion de concertation en 2019, le CBNMed a proposé aux partenaires du projet un itinéraire technique associé à un budget prévisionnel. Celui-ci prend en compte les résultats de l’expérimentation de gestion, le coût financier des opérations et leur faisabilité. L’itinéraire indiqué est le suivant :

  • Opérations : fauche des tiges dans et hors de l’eau avec un engin mécanique amphibie ; pose et ancrage d'une bâche épaisse (type EPDM).
  • Revégétalisation : plantation de plantes locales (ex : marque Végétal Local) à croissance rapide et recouvrante (ex : Phragmites australis, Phalaris arundinacea) pour éviter l’érosion et la recolonisation par les EVEE.
  • Suivi : surveillance du site, veille post-éradication.
  • Communication et valorisation scientifique.

Également, des préconisations de gestion associées aux aires de présence et aux stations d’herbes à alligator ont été rédigées et incluses dans un rapport scientifique.

Plus d’information sur ce rapport : https://invmed.fr/_DATA/RES/Initiatives/[CBNMed%202019]%20Alternanthera%20rapport%20final.pdf

  • Résultats des prospections :

En 2022, le CBNMed et ses partenaires ont entrepris 4 sessions de prospection (et quelques une de plus dans le cadre d’un stage). 70 km ont été parcourus en canoë kayak et une trentaine de nouvelles aires de présence de l’herbe à alligator ont été découvertes sur l’Ouvèze et le Rhône entre Bédarrides (Vaucluse) et Avignon (Vaucluse). Malgré ces détections précoces, les actions de sensibilisation et une veille active mise en place par le CBNMed et ses partenaires, l’herbe à alligator est aujourd’hui bien répandue sur l’Ouvèze, une partie du Grand-Rhône (communes du Pontet et d’Avignon) et commence à être présente sur plusieurs sites naturels du Conservatoire du littoral sur le Petit-Rhône. Aussi, l’amélioration des connaissances floristiques a permis d’identifier les habitats envahis par l’espèce et améliorer la connaissance sur les espèces remarquables qu’elle concurrence.

Plus d’informations : https://invmed.fr/src/agir/action-fiche.php?id=10

De manière plus précise :

  • Sur l’Ouvèze : depuis 2019, l’espèce s’est largement disséminée sur les cours d’eau en raison de l’absence de gestion de l’espèce. Les prospections depuis Bédarrides ont permis de découvrir des stations de l’herbe à alligator en amont de la station source initialement connue (Sorgues).
  • Sur le Grand-Rhône : de nouvelles stations ont été découvertes en 2022. Également, les opérations d’arrachage manuel menées dans le cadre d’une expérimentation par la CNR, le CBNMed, le PNRC et la CAGA en 2020 et 2021 sur l’espèce au sud du pont Saint-Bénezet et au niveau du secteur de « La Roule » (commune d’Avignon) ont eu un impact sur la surface et le recouvrement de l’espèce. En effet, en 2022 il a été observé une diminution de la surface envahie ou du pourcentage de recouvrement de l’espèce. Néanmoins, ce type de gestion nécessite d’être répété régulièrement (à minima une repasse quelques semaines après le chantier d’arrachage) et sur plusieurs années pour aboutir à une éradication des populations de l’espèce. Ce type de gestion est adapté pour de jeunes populations à faible étendue qui menacent des habitats ou des espèces rares ou d’intérêt patrimonial. Lorsque les populations sont déjà très étendues, le rapport coût/bénéfice de l’action de gestion doit être évalué avant d’engager des travaux sur le long terme.
  • Sur le Petit-Rhône : en 2022, seule la partie aval a été prospectée. De plus, dans l’aire de présence au nord du Tiki et au sud de l’Amarée (Saintes-Maries-de-la-Mer, Bouches -du-Rhône), des travaux de gestion pluriannuelle de l’herbe à alligator menés par le PNRC ont été initiés, et environ une tonne de cette EVEE a été traitée et évacuée du site vers un site de compostage. Néanmoins, l’espèce est toujours présente sur le site entre le Tiki et le port l’Amarée. Le PNRC a initié un contrat Natura 2000 et des travaux de gestion ont débuté en 2022. En raison des difficultés techniques rencontrées sur le site dans la gestion de l’espèce (pas d’accessibilité aux engins mécaniques, présence de joncs en mélange avec l’herbe à alligator, station très étendue, etc.), ils ont été stoppés. Cette même année, l’aire de présence « Brasinvert-Le Reculat » a bénéficié d’un état des lieux précis. Aussi, trois nouvelles aires de présence ont été détectées. Il y a donc 5 aires de présence connues sur le Petit-Rhône. L’espèce se propage désormais très rapidement et cette propagation est favorisée par les animaux (herbivorie constatée).

Par ailleurs, certaines stations soumises à expérimentation ou gérée par les partenaires ont subis des fauches de berge, prévues par les gestionnaires mais non souhaitées dans le cadre de ce projet d'éradication de l'herbe à alliagtor. En effet, malgré une formation réalisée auprès des agents techniques, cette action a probablement favorisé la dispersion de l’herbe à alligator en aval. Une nouvelle sensibilisation, menée par le PNRC et la CNR, a été organisée àl'attention des services techniques des gestionnaires concernés.

En finalité et en dépit de toutes ces actions, de par les difficultés techniques liées à la gestion de cette EVEE, l’absence d’actions de gestion réalisées sur la station originelle depuis 2014 (pour contenir spécifiquement l’espèce sur l’Ouvèze) et l’ampleur actuelle de l’invasion, un frein aux actions de gestion a été initié de la part des partenaires. D’autres méthodes de gestion sont néanmoins expérimentées pour ce site.

Bilan financier :

Le budget prévisionnel pour mener l’ensemble des actions de gestion de l’herbe à alligator en région PACA a été estimé entre 170 000 et 178 000 € pour la période 2020 – 2024.

Références bibliographiques :

COTTAZ C., PAQUIER T. & DIADEMA K., 2018. L’herbe à alligator, Alternanthera philoxeroides. Expérimentation de gestion d’une espèce exotique envahissante émergente en région PACA, sur l’Ouvèze (Sorgues, 84). Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles. 26p. + annexes

TERRIN E., COTTAZ C., PIRES M., Décembre 2019. État des lieux de la propagation d’une espèce végétale exotique envahissante (EVEE) sur l’Ouvèze et le Rhône et préconisations de gestion : l’herbe à alligator (Alternanthera philoxeroides (Mart.) Griseb.). Rapport inédit, Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles, 44 p

TERRIN E., PIRES M., 2022. Synthèse des prospections menées en 2022 sur l’herbe à alligator (Alternanthera philoxeroides (Mart.) Griseb.) et actions de gestion. Prospections sur l’Ouvèze et le Rhône. Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles. 16p. + annexes

Référence iconographique : Cyril Cottaz
Rédaction : Théo Alabert

 

DURÉE
2015-actuel


MONTANT
170 000 - 178 000 € (prévisionnel)


SITE WEB DU PROJET
http://especes-exotiques-envahissantes.fr/wp-content/uploads/2019/01/rapport_exprimentations-herbe-alligator_2018_final.pdf


OBJECTIFS


Parvenir à l'éradication des stations d'herbe à alligator avant que la plante devienne largement répandue.
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