Colloque de clôture du projet européen Life Habitats Calanques (Marseille, Bouches-du-Rhône)

Le colloque de clôture du projet européen Life Habitats Calanques s'est déroulé à Marseille le 22 et 23 novembre 2023 en présence de plus d'une centaine de personnes mobilisées par cet ambitieux projet de restauration écologique des continuités d’habitats littoraux remarquables (périurbains) et de gestion d'espèces végétales exotiques envahissantes.

Les calanques de Marseille sont des milieux abritant une immense biodiversité, nichés au sein du bassin méditerranéen, qui font l'objet de diverses menaces : la divagation et le piétinement par les visiteurs (sportif, touristes, plaisanciers) ou encore la propagation d’espèces végétales exotiques envahissantes, les embruns pollués, divers facteurs climatiques extrêmes, etc. Divers enjeux spécifiques à ces milieux ont aussi été soulevés comme le manque de connaissance scientifique sur la gestion de ces habitats spécifiques ou encore le manque de connaissance des usages et de leurs impacts sur les habitats littoraux.

Pour faire face à ces menaces, un vaste projet (décliné en 24 actions) a été monté il y a 6 ans pour la préservation de la phrygane à astragale de Marseille : un habitat fragile à fort enjeu de conservation (habitat phare de ce projet). Cet écosystème, avec une biodiversité remarquable, se trouve dans une bande littorale étroite avec des systèmes urbains qui ont tendance à croître, en plein cœur de parc national. La phrygane est un milieu à l'interface terre/mer qui subit des conditions écologiques extrêmes et qui se caractérise par des plantes en coussins comme par exemple l’astragale de Marseille Astragalus tragacantha, une espèce longévive dont 90% des effectifs mondiaux se trouvent dans les calanques marseillaises et dont les populations commençaient à dépérir lors de l’état des lieux du début de projet en 2017 (pas de jeunes pieds observés qui peuvent assurer la pérennité de l'écosystème). Une deuxième plante caractéristique est le plantain à feuilles en alène Plantago subulata aussi considérée en déclin : la question qui se posait alors était comment restaurer un bon état de conservation de l'écosystème ?

Pour y répondre, le projet européen Life habitats Calanques présente 4 objectifs ambitieux : (1) la restauration des continuités écologiques et la canalisation de la fréquentation (afin de réduire l’impact du piétinement sur la végétation), (2) la restauration des populations d'espèces végétales patrimoniales (astragale de Marseille, plantain subulé) structurant un habitat particulier et fragile (la phrygane), (3) la gestion des espèces végétales exotiques envahissantes (agave d’Amérique, luzerne arborescente, oponces, griffes de sorcière) ainsi que (4) la sensibilisation et le partage d'expériences et des connaissances acquises.

Doté d'un budget de 3,8 millions d'euros, le projet Life Habitats Calanques a permis de rassembler sur le territoire d’action du Parc national des Calanques plusieurs acteurs :
- une structure coordinatrice, l'Agence régionale pour la biodiversité et l’environnement PACA, qui a assuré la bonne mise en œuvre des actions générales du projet, ainsi que des actions de communication et de rapportage européen ;
- le Parc national des Calanques, établissement public d'État, responsable des opérations de surveillance, d’application de la réglementation mais aussi de coordination technique et d'impulsion des efforts ;
- le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, assurant une assistance technique et possédant 1800 hectares de propriété qui vont du littoral marseillais jusqu'au sommet du massif, territoire à forts enjeux de biodiversité et forte pression anthropique ;
- le Conservatoire botanique national méditerranéen, responsable de la restauration écologique du plantain subulé, de la réalisation de suivi pour évaluer l'effet des actions de gestion et apportant une expertise dans la prise en compte des invasions biologiques sur le territoire ;
- la ville de Marseille qui a assuré la mobilisation de nombreux acteurs locaux et notamment mis à disposition la Direction des transports (prêt d’engins et solutions techniques), la Direction de la mer et la patrouille associée (transport des astragales, surveillance, communication sur le terrain), la Direction des parcs et jardins (mise en culture des astragales) en collaboration avec les experts scientifiques, la Direction de la transition écologique et de la nature en ville pour la canalisation et la réhabilitation des sentiers ainsi que la Direction de la communication (mise à disposition d’un vidéaste notamment) ;
- l’Université d’Aix-Marseille, responsable de l’étude préparatoire concernant la restauration écologique et le réaménagement des sentiers ;
- l’association Le Naturoscope, association d'éducation à l'environnement et au développement durable qui a eu un gros travail de sensibilisation à mettre en place afin de parvenir à faire accepter aux usagers du site la préservation d'espèces végétales d'apparence anodine et à travailler sur la perception des espèces exotiques envahissantes avec eux et les amener à leur faire comprendre les enjeux du territoire.

C’est le premier grand projet d'ampleur opérationnel sur les calanques qui a pu voir le jour grâce au partenariat et au soutien financier de l’État (DREAL PACA), de la Région Sud et de la Commission européenne. Divers acteurs ont aussi soutenu le projet : le Conservatoire du littoral, la métropole Aix-Marseille-Provence, les élus qui ont pu être mobilisés, l’Office national des forêts et bien d’autres.

Ce projet fut une réussite : près de 80 tonnes d’espèces végétales exotiques envahissantes ont été prélevées du milieu naturel (en milieu accessible mais aussi en situation de falaise) ! De plus, la canalisation de la fréquentation a été possible grâce à une mise en défens par poteau-fil et une fermeture des sites les plus fragiles, accessibles uniquement sur réservation (ex : Calanque de Sugiton). Ce dispositif a eu des effets positifs sur la reconquête de la végétation indigène dès la première année de mise en place, engendrant aussi une modification bénéfique des usages impactant le milieux (notamment une baisse de la densité de déchets observés sur site). Malgré une difficile appropriation du dispositif par les usagers les premières années (agressions recensées sur les agents de contrôle notamment), "cette année [2022], la fermeture du site est finalement entrée dans les mœurs : il a fallu 2 ans et ne rien lâcher » souligne Alain Vincent, délégué à l’action territoriale du Parc national des Calanques. Enfin, près de 4000 astragales de Marseille ont été mises en culture et réintroduites dans le milieu naturel pour renforcer les populations existantes et 500 plantains à feuille en alène plantés. Malgré une survie difficile des populations réintroduites (nombreux facteurs écologiques rendant cette opération de génie écologique complexe à mettre en œuvre), les acteurs du projet Life habitats Calanques vont continuer leur partenariat en maintenant les efforts de suivi et d'entretien des aménagements sur site car "on aime ce que l'on connait et on préserve ce que l'on aime" conclut Hélène Souan, représentante du ministère en charge de l'environnement via la DREAL PACA.

- Affre L., Dumas E., Dupin A., Labat S., Miché L., Panzani L. & Ugo J. (2022). Guide de gestion des habitats littoraux méditerranéens et des espèces associées. LIFE16 NAT/FR/000593. Agence régionale pour la biodiversité et l'environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur, 188p.
- Collectif (2016). Life Nature and Biodiversity project application - Integrated management in Mediterranean on remarkable coastal habitats suburban of Calanques related to Southern Europe. Life16 NAT/FR/000593. 295p.