Photo Elaeagnus angustifolia (c) Huynh-Tan B.

 

COMMENT SONT RÉALISÉES LES ANALYSES ?
   PERMETTANT D'ÉLABORER LES LISTES DE PLANTES EXOTIQUES ENVAHISSANTES

 

De nombreux pays ont élaboré un protocole permettant d’évaluer le risque qu’une espèce végétale exotique devienne envahissante sur leur territoire. Ces protocoles ou analyses de risque prennent en considération de nombreux critères portant, par exemple, sur la biologie, l’écologie, les comportements actuel et futur (sur la base de modèles) de l’espèce dans le territoire d’introduction, sa répartition à l’échelle mondiale, ses impacts négatifs sur la biodiversité, l’économie et la santé humaine, etc.

Le Règlement européen relatif aux espèces exotiques envahissantes énumère précisément les critères qui doivent désormais être pris en compte et être communs à tous les protocoles ou analyses de risque qui seront effectués pour identifier les espèces végétales exotiques envahissantes prioritaires à l’échelle de l’Europe et pour chaque État membre. Ces critères doivent respecter « les accords pertinents de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) » et « se fonder sur les normes nationales et internationales existantes et porter sur différents aspects des caractéristiques des espèces, ainsi que sur le risque et les modes d'introduction dans l'Union, les effets néfastes des espèces concernées du point de vue social et économique, et sur le plan de la biodiversité, les avantages potentiels de leur exploitation et le rapport entre le coût des mesures destinées à en limiter l'incidence et celui de leurs effets néfastes, ainsi que sur une évaluation des coûts potentiels du préjudice environnemental, économique et social, de manière à en démontrer l'importance pour l'Union et à justifier ainsi la nécessité de prendre des mesures ».

Actuellement trois protocoles sont régulièrement utilisés à l’échelle méditerranéenne pour analyser le risque de propagation ou d'impacts des plantes exotiques envahissantes. Il s’agit de la cotation de Lavergne (2010), du protocole de Weber & Gut (2004) et du protocole EPPO de Brunel et al. (2010).

 

COTATION DE LAVERGNE (2010)

La cotation de Lavergne évalue le comportement envahissant avéré d’une plante exotique, à partir de la connaissance des populations présentes sur le territoire considéré, ou sur un territoire géographiquement proche (d’après Lavergne, 2010 adapté).

Cette cotation est basée sur plusieurs catégories définies de [0] à [5] comme suit :

  • [..] Absent : Plante exotique a priori absente du territoire.
  • [0] Non documenté : Plante exotique d’introduction récente sur le territoire, insuffisamment documentée, dont le comportement est à étudier.
  • [1] Non envahissant : Plante exotique introduite de longue date (50-100 ans), ne présentant pas de comportement envahissant et non citée comme envahissante dans les territoires géographiquement proches.
  • [2] Envahissant émergent : Plante exotique pouvant très localement présenter des populations denses et donc laisser présager un comportement envahissant futur [2] ou plante exotique reconnue envahissante dans les territoires géographiquement proches mais n’ayant pas un caractère envahissant constaté dans le territoire étudié [2+].
  • [3] Potentiellement envahissant : Plante exotique formant des populations denses uniquement dans les milieux régulièrement perturbés par les activités humaines (bords de routes, friches, cultures, jardins, remblais…). Elle peut se retrouver dans les milieux naturels mais elle n’y forme pas pour le moment de populations denses et n’est donc pas une menace directe pour ces milieux.
  • [4] Modérément envahissant : Plante exotique présentant des peuplements moyennement denses mais rarement dominante ou codominante dans les milieux naturels ou semi-naturels et ayant un impact faible ou modéré sur la composition, la structure et le fonctionnement des écosystèmes.
  • [5] Fortement envahissant : Plante exotique dominante ou codominante à large répartition avec de nombreuses populations de forte densité dans les milieux naturels ou semi-naturels et ayant un impact avéré sur la composition, la structure et le fonctionnement des écosystèmes.

 

ANALYSE DE RISQUES DE WEBER & GUT (2004)

L’analyse de risques Weber & Gut (2004) évalue le risque de prolifération d’une plante exotique sur le territoire, à partir d'éléments publiés permettant de décrire son comportement envahissant et sa répartition sur des territoires à climat similaire (définis suivant la classification des zones bioclimatiques de Köppen-Geiger). En effet, ce protocole prend la forme d'une série de questions portant sur la biologie, l’écologie, la correspondance climatique entre le territoire d’origine et le territoire d’introduction considéré, la phylogénie de l’espèce (appartenance à une famille ou à un genre connus pour être envahissants), son histoire (si elle est considérée comme envahissante ailleurs), sa distribution géographique, les milieux qu’elle colonise et la densité de ses populations. Il a l’avantage d’être rapidement mis en œuvre sur une espèce mais les réponses peuvent varier selon les examinateurs et les sources d’informations qui doivent être bien définies au préalable.

En fonction du score final obtenu, trois niveaux de risques sont définis :

  • Score de 3 à 20 : risque faible (faible probabilité pour que la plante exotique soit une menace),
  • Score de 21 à 27 : risque intermédiaire (nécessité d'aller plus loin dans les observations),
  • Score de 28 à 38 : risque élevé (la plante exotique présente un risque de devenir une menace).

 

ANALYSE DE RISQUES EPPO (2010)

L’analyse de risques EPPO évalue les risques d'impacts environnementaux, socio-économiques et sanitaires des plantes exotiques. Ce protocole permet de mesurer l’urgence de prévenir l’introduction, l’installation et la dispersion d’une espèce exotique sur le territoire, à partir d’informations sur l’intensité de ses impacts négatifs et de l'ampleur de son potentiel de dispersion dans le monde ou sur le territoire (Brunel et al., 2010 ; Branquart et al., 2016 adapté).

 

À l'échelle méditerranéenne, ces diverses analyses de risque sont ensuite associées à un coefficient de distribution spatiale (permettant de décrire pour chaque espèce étudiée si elle est émergente ou largement répandue sur le territoire) et un coefficient de recouvrement (permettant d'indiquer si l'espèce a un faible taux de recouvrement dans ses aires de présence ou un fort taux de recouvrement). L'ensemble de ces élements permet de catégoriser les plantes exotiques suivant 5 catégories :

 

                                                         

 

 

 

QUELS SONT LES AUTRES ANALYSES DE RISQUES UTILISÉES PAR LES SCIENTIFIQUES?

 

Actuellement trois protocoles sont régulièrement utilisés à l’échelle européenne pour analyser le risque des espèces végétales exotiques envahissantes. Il s’agit du protocole Belge AlterIAS, du protocole de Weber & Gut (2004) et du protocole ARP de l’OEPP.

 

PROTOCOLE BELGE ISEIA (INVASIVE SPECIES ENVIRONNEMENTAL IMPACT ASSESSMENT)

Ce protocole s’applique à toutes les espèces exotiques envahissantes présentes en Belgique ou dans les pays voisins. Il prend en compte les milieux terrestres, aquatiques et marins. C’est un protocole qui hiérarchise les espèces en vue de prioriser la gestion des espèces végétales exotiques envahissantes en Belgique. Il tient compte de l’avis d’experts scientifiques et de la bibliographie scientifique pour évaluer les impacts négatifs sur la biodiversité. Il se base sur quatre critères qui sont : (1) le potentiel de dispersion ou d’envahissement de l’espèce, (2) la potentialité de l’espèce à  coloniser des habitats à forte valeur patrimoniale, (3) les impacts négatifs de l’espèce sur les espèces indigènes et (4) les impacts négatifs sur le fonctionnement des écosystèmes. Un score final est attribué à chaque espèce analysée. Ce score évalue le degré d’impact négatif environnemental de l’espèce en Belgique. Ce score est ensuite croisé avec le stade d’invasion de l’espèce en Belgique pour obtenir, au final, un niveau de priorité de gestion de l’espèce.

+ si vous cherchez plus d'informations sur le protocole ISEIA : ici
+ liens vers le formulaire Harmonia (issu du protocole ISEIA) : ici

N.B. : Ce protocole est actuellement utilisé pour évaluer les risques d'impacts de la faune exotique envahissante à l'échelle des régions PACA et Occitanie. Plus d'informations : ici

 

PROTOCOLE ARP (ANALYSE DE RISQUE PHYTOSANITAIRE) DE L'OEPP

Ce protocole permet de prioriser les plantes exotiques envahissantes en vue d’effectuer une analyse du risque phytosanitaire (ARP) pour celles qui sont les plus prioritaires (OEPP : Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes). L’ARP suit la norme internationale (n° 11) pour les mesures phytosanitaires de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) et est conforme aux accords de l’OMC. Elle peut s’appliquer aux plantes, animaux (insectes), bactéries et virus. Elle identifie et cible les voies d’introduction et de propagation des espèces cibles. Une évaluation qualitative est effectuée pour chaque question en se basant sur cinq niveaux de risques (très faible, faible, modéré, élevé, très élevé). Un certificat phytosanitaire peut être délivré, sous certaines conditions, pour certaines espèces afin de permettre le transit d’une espèce depuis un ou plusieurs pays d’où l’espèce est exportée jusqu’au pays où l’espèce est importée. Cette analyse est cependant très longue à effectuer.

N.B. : Cette liste de protocoles d'analyse de risques relatives aux espèces exotiques envahissantes n'est pas exhaustive.

 

 

QUELS SONT LES PRINCIPALES STRUCTURES RÉALISANT LES ANALYSES (HORMIS LES CBN) ?

 

ORGANISATION EUROPÉENNE ET MÉDITERRANÉENNE POUR LA PROTECTION DES PLANTES (OEPP)

Cette organisation étudie les plantes exotiques envahissantes et les risques associés et a beaucoup publié sur cette thématique (livres, etc.). Elle a établi des listes d'espèces végétales exotiques envahissantes sur son territoire d'action, des analyses de risque ou Pest Risk Analysis (PRA), des manuels de gestion de ces espèces et elle a, en outre, participé à l'écriture du « code de conduite sur l'horticulture et les plantes exotiques envahissantes ».

+ vous pouvez accéder à leur base de données sur les plantes exotiques à risques : ici

 

AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L’ALIMENTATION, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL (ANSES)

L'ANSES est un établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle de plusieurs Ministères (dont ceux chargés de la santé, de l'agriculture, de l'environnement et du travail). Il évalue l’ensemble des risques (chimiques, biologiques, physiques, etc.) auxquels un individu peut être exposé, notamment à ceux liés aux espèces végétales exotiques envahissantes impactant la santé humaine comme les ambroisies ou la berce du Caucase, par exemple.

+ vous pouvez consulter la liste des avis et rapport de l'ANSES : ici