Photo Acacia karoo (c) Petit Y. (CBNC)

[PACA] Éradication des griffes de sorcière en vue d'une restauration écologique de l’île du Grand Rouveau dans l’archipel des Embiez (Var)

Actions dans le cadre du schéma de gestion sur le programme d'éradication des griffes de sorcière (Carpobrotus edulis (L.) N.E. Br, 1926) d'Initiative PIM

Contexte :

L’île du Grand Rouveau est une propriété du Conservatoire du littoral depuis 2000. Celle-ci, ainsi que le milieu marin environnant, sont gérés par la ville de Six-Fours-les-Plages.

Ce projet fait partie d’un programme international centré sur les écosystèmes insulaires méditerranéens, mené par une ONG (organisation non gouvernementale) Initiative pour les petites îles de Méditerranée (Initiative PIM), dont le but est l’assistance à la gestion des petites îles de Méditerranée. Le projet a permis de mobiliser de nombreux partenaires : le Conservatoire du littoral, l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale (IMBE), le Parc national de Port-Cros (PNPC), la société AGIR Écologique, les services techniques de la commune de Six-Fours les Plages, etc.).

Le projet a été formalisé via un plan d’actions, qui comprenait initialement les éléments suivants :

  • Une dératisation de l’île avant les opérations d’arrachage de griffes de sorcière. En effet, il existe une relation de mutualisme entre le rat noir (Rattus rattus) et la griffe de sorcière (Carpobrotus edulis) : le rat noir favorisant la dispersion de cette dernière par ingestion de ses fruits et la griffe de sorcière participant à la survie du rat noir en saison estivale.
  • La réalisation d’états zéros préalables à l’arrachage, au niveau des compartiments floristiques, entomologiques, ornithologiques et herpétologiques, puis des suivis annuels pendant l’opération d’arrachage et tous les 5 ans ensuite.
  • L’arrachage de la griffe de sorcière sur 3 ans, avec un contrôle pendant 10 ans, et la récolte de graines d’espèces endémiques.
  • La réalisation d’un suivi de l’évolution du paysage par photo-monitoring.

Plus d'informations : https://www.genieecologique.fr/sites/default/files/restauration_ecologique_ile_du_grand_rouveau_1_1.pdf

 

Historique :

L’île du Grand Rouveau se situe à l’ouest du Cap Sicié, à l’extrémité de l’archipel des Embiez. On suppose que c’est autour de la période de la construction du phare en 1856 qu’auraient été introduits les premiers plants de griffes de sorcière (de l'espèce Carpobrotus edulis). Cette espèce devait permettre de maintenir les remblais créés lors de la construction du phare. Néanmoins, celle-ci s’est propagée sur une partie importante de l’île par la suite. En effet, en 2012, la griffe de sorcière était présente sur plus de 31 % de la surface totale de l’île, dont 25 % quasiment en peuplements monospécifiques.

Ainsi, l’invasion biologique de la griffe de sorcière sur l’île exerce une pression importante sur des espèces végétales patrimoniales (et/ou protégées). Parmi elles, on peut citer l’ail petit moly (Allium chamaemoly), le statice nain (Limonium pseudominutum), le sénéçon à feuilles grasses (Senecio leucanthemifolius), la passerine hérissée (Thymelaea hirsuta), le buplèvre semicomposé (Bupleurum semicompositum), etc. La griffe de sorcière peut aussi induire une pression sur des espèces animales rares, par altération de leur habitat, comme par exemple le phyllodactyle d’Europe (Euleptes europaea).

L’île du Grand Rouveau est un refuge de biodiversité. Néanmoins, en tant qu’écosystème insulaire, celui-ci est plus vulnérable aux changements globaux (et aux invasions biologiques). Pour ces raisons, et pour améliorer les connaissances en espèces de l'île, l’Initiative pour les petites îles de Méditerranée (Initiative PIM) a réalisé en 2009 une mission naturaliste et scientifique. Celle-ci a permis d’aboutir à la rédaction d’un schéma de gestion fournissant des préconisations de gestion au vue de la conservation de cet espace insulaire et de son ouverture au public. Un plan d’actions « Carpobrotus » a ainsi été réalisé comprenant des outils et des méthodes inspirés de l’expérience de la restauration écologique de l’île de Bagaud (réserve intégrale du Parc national de Port-Cros). Dans cette optique, une contribution des responsables et des chargé(e)s de missions du programme de restauration écologique de Bagaud a permis d’ajuster la méthodologie préalable aux opérations destinées à l’île du Rouveau. Plusieurs chercheurs de l’université d’Aix-Marseille ont aussi pu apporter leur aide au cours de cette étape.

Actions menées :

Par rapport au plan d’actions initial, certains ajustements ont eu lieu :

  • L’abandon de la dératisation, en raison du risque de ré-invasion, causé par la forte fréquentation du débarcadère en période estivale et de la proximité des autres îles de l’archipel.
  • L’arrachage s’est déroulé sur 4 ans au lieu de 3 années initialement prévues.
  • Le développement d’un projet de pépinière expérimentale (expérimentations de la marque Végétal local) pour restaurer les milieux les plus érodés.

Concernant l’arrachage de la griffe de sorcière, deux types d’opération manuelle ont été menés :

  • Des opérations en zones de falaise (ou à fortes pentes). Celles-ci requièrent l’intervention de personnes formées à l’intervention sur cordes. En raison de l’absence de manutention, cette intervention a été limitée à 10 jours de travail. Les rémanents ont été organisés en andains en pied de falaise.
  • Des opérations sur zones planes (ou moins pentues). Celles-ci se sont déroulées chaque année dans un secteur différent, entre 2012 et 2015, et suivent une méthodologie précise. Chaque personne prend en charge une bande de 2m de griffes de sorcière qui est ensuite enroulée sur elle-même pour former des andains (qui sont déposés sur une zone traitée, sans griffes de sorcière). Au cours de ces opérations, la présence d’espèces indigènes est identifiée afin de les préserver.

Également depuis 2012, après les opérations d’arrachage, des « repasses » sont effectuées. Elles consistent à arracher les griffes de sorcière qui se sont exprimées après la mise à nu de la litière. Entre 2012 et 2015, les opérations d’arrachage et les repasses étaient menées au même moment.

Concernant le temps de travail, celui-ci s’élève à 740 heures d’arrachage entre 2012 à 2016 (falaises comprises). Les opérations de repasse-contrôle menées de 2013 à 2020 correspondent à 342 heures de travail (falaises comprises).

Justification de la méthode :

Les rémanents des opérations d’arrachage n’ont pas été exportés vers le continent pour être traités, en raison de la configuration du site et de facteurs écologiques et économiques. En effet, la solution qui a été adoptée, par création d'andains, permet de limiter l’érosion et de favoriser la recolonisation naturelle par les espèces indigènes : les andains (perpendiculaires à la pente) retiennent la matière organique (et minérale) issue du ruissellement, qui finit par constituer une litière. Cette méthode, en raison de sa facilité de mise en œuvre, a aussi rendu possible la mobilisation de personnes bénévoles non formées à ce type de travaux. Les bénéfices sont multiples, notamment au niveau de la limitation des coûts, de l’implication des partenaires et de la sensibilisation à la thématique des invasions biologiques. Également, une approche à faible coût est plus facilement réplicable, ce qui pourrait être intéressant pour d’autres sites insulaires avec un budget réduit.

Afin de prévenir et limiter l’impact visuel sur le paysage de l’arrachage de la griffe de sorcière, l’intervention a été programmée par secteur, sur plusieurs années. Le découpage initial en 3 secteurs a été revu à la hausse (5 secteurs) en raison de la vitesse d’avancement du chantier et du temps disponible. Par ailleurs, ces derniers ont été établis selon des limites physiques visibles et avec l’objectif qu’ils soient approximativement d’une surface équivalente.

Enfin, les opérations d’arrachage ont été fixées en période estivale pour plusieurs raisons :

  • Période de plus faible sensibilité écologique ;
  • Période plus propice à la mobilisation des bénévoles ;
  • Période plus sèche pour les griffes de sorcière, moins gorgées d’eau, moins lourdes et ainsi plus facile à arracher.

/!\ Il est à préférer la fin de la période estivale (voire la période automnale) afin d'éviter d'impacter les espèces annuelles tardives et de faciliter le travail des opérateurs soumis aux risques liés à la chaleur (insolations, pénibilité de la tâche, etc.).

Résultats :

On constate une forte tendance à la diminution des volumes arrachés de griffes de sorcière au cours des années : 14 m³ en 2014 contre 1,825 m³ en 2021. Néanmoins, il a été observé une forte hausse du volume de griffes arrachées entre 2013 et 2014, en raison de la découverte d’un énorme patch, issu vraisemblablement d’un oubli des années précédentes.

Si l’on s’intéresse à l’efficacité des opérations de repasse, le temps de travail global a été divisé d’un tiers entre 2020 (30h) et 2021 (20h).

En 2012, une partie des andains ne s’est pas maintenue à elle toute seule et a fini par être lessivée (en raison de l’exposition au vent, aux embruns et à la pente). Pour pallier à ce problème, des travaux de restauration écologique ont été entrepris jusqu’en 2019 : semis, plantations locales issues de boutures prélevées et cultivées sur l’île, renforcement des andains avec du bois flotté, etc.

Le suivi photographique réalisé illustre bien la reprise de la colonisation par la végétation indigène, au niveau des secteurs ayant fait l’objet de campagne d’arrachage de griffes de sorcière depuis 2012. Néanmoins, la griffe de sorcière pouvant refaire des fruits et donc des graines en moins de 2 ans, il est nécessaire d’avoir les moyens pour poursuivre les contrôles annuels de la reprise de cette EVEE dans les zones d’intervention. C’est une gestion sur le long terme (plus de 10 ans)...

Bilan financier :

Dans les 4 ans suivants le début du projet : 141 000€ ont été dépensés (toutes opérations confondues).

Durée du projet :

De juillet 2012 à juillet 2016 ont été réalisées les campagnes d’arrachage. Le projet est prévu de juillet 2013 jusqu’à la disparition totale des repousses, pour les opérations de repasse.

Références bibliographiques :

Artufel M., 2021. Assistance aux activités de gestion de l’île du Grand Rouveau (Six-Fours-Les-Plages, France). Rapport Initiative PIM. 75p.

AGIR Écologique, 2018. Restauration écologique de l’île du Grand Rouveau ; Six-Fours-Les-Plages, archipel des Embiez (83). Bilan d’interventions 2018. Conservatoire du littoral. 40p.

Rivière V., Auda P., Cheylan M., Damery C., Ugo J., 2016. Restauration écologique de l’île du Grand Rouveau (Var). Bilan de 4 années d’intervention. Perspectives. Initiative PIM, Note naturaliste, 65p.

Damery C., Rivière V., Martinez-Humayou A., Tankovic E., Thevenet M., Bernard F., 2021. Petites îles de Provence. Expériences de gestion et de conservation. Conservatoire du littoral. 161p.

Référence iconographique : Julien Ugo
Rédaction : Théo Alabert

DURÉE
2012-2016


MONTANT
141 000€


SITE WEB DU PROJET
https://www.genieecologique.fr/restauration-ecologique-de-lile-du-grand-rouveau


OBJECTIFS


L’objectif initial du plan d’action « Carpobrotus » (dans le cadre du schéma de gestion sur le programme d'éradication des griffes de sorcière d'Initiative PIM) est d’aboutir à l’éradication complète de cette espèce végétale exotique envahissante (EVEE) et à la recolonisation par la végétation indigène, au sein de l’île du Grand Rouveau (Var).
< LISTE DES PROJETS