Photo Acacia karoo (c) Petit Y. (CBNC)

[PACA] Opérations de gestion de l’hakéa décurrent* dans le Parc naturel départemental de l’Estérel et dans ses zones limitrophes

Actions dans le cadre de la convention pluriannuelle de partenariat avec le Conseil Départemental des Alpes-Maritimes (CD06)

Contexte :

Le Conservatoire botanique national méditerranéen (CBNMed) a participé, dans le cadre des opérations de gestion de l’hakéa décurrent* (Hakea decurrens R.Br., 1830) à l'élaboration d'un plan d'actions relative à cette espèce. Il est impliqué dans 3 des 6 missions de ce plan d’actions :

  • L’élaboration d’un protocole avec la mise en place et le suivi de placettes tests. L’objectif est d’améliorer les connaissances sur les méthodes de contrôle et de les affiner.
  • L’élaboration d’un bon diagnostic de la situation. Cela est rendu possible par la cartographie des foyers ainsi que de leur ampleur, pour aboutir à des unités géographiques cohérentes avec les travaux de gestion.
  • Le suivi de l’état des populations et la mise en place d’un réseau de surveillance.

Historique :

L’hakéa décurrent*, originaire d’Australie, est largement répandu dans le sud de l’Europe et se retrouve parmi les espèces végétales exotiques envahissantes les plus problématiques dans les pays de cette zone géographique (en Espagne et au Portugal notamment). En France, l'espèce a été observée pour la première fois dans le massif de l’Estérel à Saint-Raphaël en 1917. Avec un indice de risque élevé de prolifération sur le territoire, l’hakéa décurrent est une espèce "émergente", d’après la Stratégie régionale relative aux espèces exotiques envahissantes et prioritaire en termes de gestion à l'échelle régionale.

Plus d’informations sur la Stratégie EVEE PACA : https://www.invmed.fr/src/strat/strat_paca.php?idma=31

Cette espèce connaît une expansion rapide dans le massif de l’Estérel et en particulier au sein du Parc naturel départemental de l’Estérel et de ses alentours. Les menaces induites par cette espèce sont nombreuses.

En effet, les hakéas sont très inflammables et sont qualifiés de « nés pour brûler ». Des études en Afrique du Sud montrent que l’intensité des feux dans la végétation du fynbos (maquis en Afrique du Sud) est 5 fois plus importante dans une zone envahie par les hakéas que dans celles non envahies par l’espèce exotique envahissante. Par ailleurs, avec une structure très piquante, cette EVEE entrave l’accessibilité des sapeurs-pompiers et peut compromettre les activités récréatives (activité cynégétique, randonnée, VTT, etc.). Elle impacte aussi négativement les activités de production agricole et de pastoralisme, en raison de sa dynamique d’espèce pionnière. Cette espèce végétale exotique envahissante (EVEE) présente ainsi un enjeu de sécurité publique et économique. Elle est d’ailleurs sujette à une alerte de l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la Protection des Plantes (EPPO). Par rapport aux nuisances sur la biodiversité, de la même manière, la présence de cette espèce en populations denses induit une amplification de l’intensité et de la récurrence des incendies. Cela a pour conséquence d’entraîner une modification des milieux, qui est d’autant plus renforcée, puisque les espèces indigènes sont moins compétitives que les hakéas (croissance moins dynamique).

Des opérations de gestion ont donc été jugées nécessaires et prioritaires, au regard de son caractère fortement envahissant dans les pays voisins, et de la sécurité incendie (dans un secteur naturel très fréquenté par les touristes).

Actions menées :

En 2016, la DEGR (Direction de l’environnement et de la gestion des risques) du Département des Alpes-Maritimes a mené une première opération de contrôle de grande envergure de cette EVEE. Cette action de gestion par contrôle mécanique a été coordonnée par le Service des Parcs naturels départementaux (PND) et s’est déroulée au sein du PND Estérel (du 15 novembre à fin décembre 2016). Elle suit un protocole d’éradication élaboré conjointement entre le Département des Alpes-Maritimes et le CBNMed. L’opération menée en 2021 est semblable à celle réalisée en 2016.

Le protocole d’éradication consiste en la coupe des hakéas et au transfert des rémanents vers des filets bâchés. Aussi, il est préconisé de limiter l’ouverture des milieux (pas de création de pistes, ni de layons pour permettre l’accès aux opérateurs) et de privilégier l’incinération sur place au lieu d’un transport vers des incinérateurs éloignés pour réduire le risque de dissémination lors du transport. Il est aussi conseillé de favoriser l’extraction des rémanents par héliportage pour diminuer le recolonisation par germination de la banque de graines de cette EVEE.

En parallèle, il y a aussi eu la mise en place de plusieurs études et actions pour gérer cette espèce, menées par le CBNMed :

  • L’expérimentation sur l’ouverture des fruits. L’objectif est de déterminer le temps nécessaire aux fruits pour s’ouvrir, après la mort d’un individu (ou l’arrachage d’une branche). Celle-ci a été réalisée en récoltant 10 branches sur différents individus adultes vivants, qui ont été ensuite séchées à l’air libre et à température ambiante.
  • L’expérimentation sur la germination des graines. Celle-ci a été réalisée en récoltant sept lots de 10 graines fraiches provenant de Théoule-sur-Mer. Ces lots ont été ensuite mis en culture avec sept conditions de température et de lumière différentes, en suivant le protocole établi par le CBNMed.
  • L’élaboration et la diffusion d’une plaquette de sensibilisation relative à l’hakéa décurrent sur le site du Département 06.

Lien vers cette plaquette : https://www.calameo.com/read/0003346447f66e0bda0c4

  • Les suivis de la banque de graines dans le sol et de l’évolution de la végétation. Ces derniers ont été mis en place en mars 2017, soit 3 mois après l’opération de gestion initiale, au niveau de 5 secteurs. Au sein de chacun d’entre eux, se trouvent 16 placettes permanentes (de 1x1 m) regroupées le long d’un transect, soit un total de 80 placettes. Celles ci sont localisées sur le site où l’opération de gestion a été effectuée. Concrètement, tous les individus d’hakéa décurrent sont prélevés tous les ans, entre février et mars, au moment de la période de floraison de cette EVEE. Au niveau du comptage des individus, la première année sont dénombrés les individus adultes coupés lors de l’opération de gestion et les individus juvéniles issus de germination. Les années suivantes, seuls sont prélevés et comptabilisés les individus issus de germination. Cette opération requiert entre 8 et 10 agents du Département, et 2 opérateurs du CBNMed.

Cette EVEE se reproduit uniquement par voie sexuée. Ainsi après toutes les opérations de gestion de cette espèce, la phase principale de son cycle de vie dans laquelle intervenir est la banque de graines du sol. Le suivi de cette phase est alors tout à fait justifié et indispensable à la bonne gestion de l'hakéa décurrent.

Résultats :

Les expérimentations menées sur l'espèce ont montré que la grande majorité des graines s’ouvrait dans les quelques jours suivants la mort des individus (incendies, arrachages, etc.). Concernant la germination des graines, en condition d’alternance 10°C obscurité / 20°C lumière, la première graine a germé après 15 jours de tests. Après 30 jours de tests, 100 % des graines avaient germées. Ces conditions d’alternance se rapprochant de celles du milieu naturel de l’hakéa décurrent, il est probable d’assister à une germination de 100 % des graines dans le milieu naturel.

Ainsi, ces taux importants d’ouverture des fruits et de germination en un temps restreint doivent être pris en considération dans les opérations de gestion de l'espèce.

En effet, après la coupe des individus adultes en 2016, il a été observé dans les secteurs envahis une forte germination des graines de cette EVEE. Cela s’explique par l’expression de la banque de graines du sol et d’une partie de la banque de graine aérienne qui est tombée au sol au moment des opérations de gestion. La réalisation d’opération de gestion manuelle avec arrachage systématique et la destruction de l’ensemble des plantules est donc nécessaire, à la suite des opérations de lutte mécanique.

Les suivis réalises en 2020 ont mis en évidence le caractère transitoire de la banque de graines de l'espèce. En effet, 38 mois après la mise en œuvre de l’opération initiale de gestion, le nombre de germinations a régressé à hauteur de 99 %, tout comme le recouvrement initial de l’espèce. Concernant la floraison, la première année entre 5 % et 10 % des plantules ont fleuri, contre la quasi-totalité des individus lors de la seconde année. La troisième année, les individus produisent des fruits. Par rapport à la végétation indigène, celle-ci recolonise rapidement la zone ayant fait l’objet de l’opération de gestion de l'EVEE.

Ces résultats témoignent de l’efficacité et de la nécessité de poursuivre l’arrachage manuel des plantules (en particulier dans les premières années du développement de l’hakéa décurrent) sur l’ensemble du secteur géré. En termes de moyens humains, seuls 3 journées.homme (H/jours) ont été requises sur l’ensemble du secteur géré, soit 6 agents sur une demi-journée.

L’opération de gestion réalisée en 2021 a permis d'éradiquer toutes les populations d’hakéa décurrent présentes dans le Parc naturel départemental de l’Estérel et du Massif de l’Estérel dans les Alpes-Maritimes. Concernant la commune de Théoule-sur-Mer, dans la zone traitée en 2016 puis en 2021, se sont poursuivies les opérations de suivi et de contrôle de la germination afin d’aboutir à la disparition totale de l’espèce au niveau de la commune de Théoule-sur-Mer et du Département des Alpes-Maritimes.

Bilan financier :

Les coûts des opérations réalisées en 2016 sur les terrains publics (50 ha) s’élèvent à 179 880 € TTC. Ces financements proviennent du Département des Alpes-Maritimes et du Conservatoire du littoral.

Les coûts des opérations effectuées en 2021 sur terrains privées (50 ha) atteignent les 170 123 € TTC. Ces opérations ont été financées par le Département des Alpes-Maritimes, l'État (DREAL PACA) et le CBNMed. De manière plus précise, les financements du CBNMed découlent du projet Biodiv’ALP, intégré dans programme franco-italien ALCOTRA, lui même financé par l’Union Européenne.

*L’analyse génétique effectuée en septembre 2021 a montré que les taxons qui avaient été identifiés en tant qu’Hakea sericea étaient finalement ré-identifiés en Hakea decurrens suite à analyses génétiques.

Références bibliographiques :

Parodi G., 2021. Eradication de l’espèce végétale exotique envahissante Hakea. Parc naturel départemental de l’Estérel et zone limitrophe. Département des Alpes-Maritimes. 9p.

Conservatoire botanique national méditerranéen & Département des Alpes-Maritimes, 2020. Convention de partenariat. Connaissance et préservation de la flore et des habitats naturels dans les Alpes-Maritimes. Rapport CBNMed. 39p.

Diadema K., Le Berre M., Dixon L., 2017. Gestion de l’hakéa soyeux (Hakea sericea Schrad. & J.C.Wendl.), espèce exotique envahissante. Rapport CBNMed. 17p.

Référence iconographique : Cyril Cottaz
Rédaction : Théo Alabert

DURÉE
2016-actuel


MONTANT
Plus de 300 000 €


SITE WEB DU PROJET
https://www.departement06.fr/lutte-contre-les-especes-envahissantes/lhakea-soyeux-17406.html


OBJECTIFS


Les opérations de gestion ont pour objectif d'éradiquer les populations de l'espèce. Le suivi de la banque de graines du sol et de l’évolution de la végétation ont pour objectifs : (1) d’évaluer la quantité de germination par année, (2) d’évaluer la durée de la viabilité de la banque de graines dans le sol, (3) d’évaluer le temps nécessaire à l’éradication de l'hakéa décurrent dans les stations identifiées et (4) d’estimer le temps nécessaire à la recolonisation par la végétation indigène.
< LISTE DES PROJETS