Photo Acacia karoo (c) Petit Y. (CBNC)

[PACA] Expérimentation et gestion multipartenariale de la berce du Caucase dans les Alpes-Maritimes (06)

Actions dans le cadre du Plan de gestion de la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum Sommier & Levier, 1895) dans les Alpes-Maritimes

Contexte :

Ce plan de gestion comporte 6 missions :

  • Mener la coordination, l’animation et le suivi administratif et financier du projet. Cette mission est coordonnée par le Conseil départemental des Alpes-maritimes (CD06) et l’assistance technique du Parc naturel régional (PNR) du Verdon.
  • Affiner les méthodes de gestion par la création et la mise en place de suivi des protocoles de gestion. Cela implique de mettre en place un protocole de contrôle et d’éradication de l’espèce (optimisé sur chacun des secteurs envahis et capable de s’adapter en fonction des résultats obtenus sur les placettes tests au fil des années) et un protocole de suivi de la banque de graines du sol. Cette mission est coordonnée par le Conservatoire botanique national méditerranéen (CBNMed) et ses partenaires.
  • Aboutir à un diagnostic satisfaisant de la situation avec une cartographie des foyers et de leur ampleur. Cela implique un inventaire précis des stations connues, fait grâce à des prospections autour des zones envahies, des bilans démographiques ou encore le pointage des individus reproducteurs. Ces actions sont menées par le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) PACA, le PNR du Verdon et des partenaires et bénévoles.
  • Mettre en place des chantiers d’éradication. Précisément, le plan de gestion prévoit d’arracher et d’extraire manuellement les plants (dans les stations de petites tailles et/ou comprenant des individus jeunes), de couper les hampes florales arrivées à maturité et de recourir à l’arrachage mécanique dans les stations de grandes tailles (à l’exception des berges) avec un traitement adéquat des déchets verts. La coordination de cette mission est portée par le CD06, avec la participation de l’Office national des forêts (ONF) et des partenaires.
  • Mettre en place un diagnostic agro-environnemental et un plan de gestion ecopastoral. Parmi les exemples énoncés, on retrouve le croisement des enjeux agricoles et écologiques, l’élaboration d’un projet de mesures agro-environnementales et climatiques ainsi que la contractualisation avec les éleveurs bovins. Le coordinateur est le Parc naturel régional des Préalpes d’Azur (PNRPA) avec la participation du Conservatoire botanique national méditerranéen et des éleveurs bovins.
  • Sensibiliser et communiquer auprès des élus, des habitants et des éleveurs sur la présence de la berce du Caucase et les moyens de gestion mis en place. Cela se traduit par de la sensibilisation des acteurs locaux sur site, un transfert des retours d’expérience par rapport à cette problématique ou encore par l’élaboration et la diffusion de plaquettes de sensibilisation et de documents d’informations. Le coordinateur désigné est le CD06, avec la participation de PNRPA et des partenaires.

Statuts et menaces :

En région PACA, la berce du Caucase est connue dans les Alpes-Maritimes depuis 1954, au niveau de la station de Thorenc (commune d’Andon). Elle est aussi présente dans le Var (La Martre) et les Alpes-de-Haute-Provence (Peyroules). Cette espèce végétale exotique envahissante (EVEE) est peu fréquente sur le territoire, mais a régulièrement un fort taux de recouvrement (supérieur à 50%) au niveau de ses aires de présence. Ainsi, celle-ci est classée dans la catégorie « émergente » d’après la Stratégie régionale relative aux EVEE en région PACA.

Plus d’informations sur la Stratégie EVEE PACA : https://www.invmed.fr/src/strat/strat_paca.php?idma=31

Ce statut implique alors que les opérations de gestion de cette espèce peuvent être définies comme prioritaires. Par ailleurs, la nécessité de mener des actions sur la berce du Caucase peut se justifier par ses impacts négatifs importants. D’un point de vue écologique, cette EVEE forme des stations denses qui empêchent l’installation d'autres espèces végétales indigènes (qui, en milieux humides peuvent être patrimoniales, rares ou menacées). Cette EVEE a ainsi un impact sur la richesse spécifique des sites envahis (et la diversité de la banque de graine du sol). Aussi, elle contribue à l’érosion des berges des cours d’eau dépourvues de ripisylves (formations végétales localisées sur les bords des cours d’eau). D’un point de vue sanitaire, la berce du Caucase présente aussi une menace avec sa sève qui peut provoquer des brûlures graves : tout contact avec la peau suivi d’une exposition au soleil peut être dangereux (à cause d’une toxine phototoxique appelée furanocoumarine). Avec de grandes populations, cette EVEE est aussi capable de porter atteinte aux activités humaines, en bloquant l’accès et la circulation à divers publics (pêcheurs, promeneurs, etc).

Historique :

Depuis les années 2000, la gestion des EVEE s’inscrit dans la démarche du Schéma d’Aménagements et Gestion des Eaux (SAGE) portée par le PNR du Verdon. En 2008, un contrat rivière Verdon a été signé afin de répondre à l’enjeu « Préserver et valoriser le patrimoine naturel […] soumis à de nombreuses contraintes ».

En 2012, face aux impacts écologiques et sanitaires induits par la berce du Caucase, 6 acteurs du territoires se sont associés pour gérer cette espèce et neutraliser son expansion vers le Verdon : le PNR du Verdon, le PNRPA, le CBNMed, l’ONF, le CEN PACA et l’Association Botanique et Mycologique de la Siagne (ABMS).

En 2013, le CD06 a rejoint le groupement de partenaires pour la gestion de la berce du Caucase et a permis la mise en place du programme d’actions en apportant le soutien financier, logistique et technique jusqu’alors vacant. Cela a ensuite aboutit en 2015 à l’inscription de l’action II-2-5-02, dans le cadre du Contrat rivière 2 (coordonné par le CD06) : Programme de gestion pour lutter contre la berce du Caucase sur la période 2016 – 2021.

Actions menées :

En 2007, le CBNMed et l’ONF ont mené des campagnes de prospection, afin d’évaluer la répartition et la progression de la berce du Caucase. Elle a été observée le long de la Lane (affluent de l’Artuby situé dans le bassin versant du Verdon).

En 2008-2009, dans le cadre du Contrat rivière Verdon 1, le Syndicat Intercommunal des Trois Vallées a réalisé des travaux d’entretien et de restauration de la végétation du lit et des berges de la Lane : fauche de berce, gestion des boisements de berges, gestion des déchets. Pour des raisons financières ces opérations n’ont pas été poursuivies de 2009 à 2012.

En 2011, un inventaire des espèces exotiques envahissantes faune/flore mené par le PNR du Verdon a mis en évidence que la quasi-totalité du cours d’eau de la Lane était colonisé par la berce du Caucause. De premières actions de gestion ont été alors menées en urgence enfin de gérer le risque de prolifération de l’EVEE dans le Verdon. En effet, la colonisation du site par la berce du Caucase serait irréversible en raison du relief accidenté des Gorges du Verdon, difficilement accessible.

Dans le cadre du programme sur la berce du Caucase, plusieurs expérimentations et actions ont été réalisées :

  • Une expérimentation sur le suivi de la banque de graines du sol relative à la population de berce du Caucase. Celle-ci constitue l’une des 6 missions de ce programme, et est à la charge du CBNMed. Cette expérimentation se déroule dans les Préalpes de Grasse au niveau de 4 secteurs, localisés dans la zone historique de présence de la berce du Caucase (zone en amont de la Ravinette, sur la commune d’Andon). Au sein de chacun de ces secteurs, se trouve 9 placettes permanentes, représentatives de l’ensemble de la population et mis en place en 2012 (soit 36 placettes). De 2012 à 2020, ces 36 placettes ont fait l’objet de suivi annuel avec arrachage systématique des individus dans l’optique de les comptabiliser annuellement. La première année, les individus de tout âge ont été arrachés, et les années suivantes, seuls les individus issus de germination ont été prélevés et comptabilisés. Les individus sont récupérés afin d’évaluer la quantité de germinations (chaque année), et la durée de la viabilité de la banque de graines dans le sol. L’expérimentation permet aussi d’estimer le temps nécessaire à l’éradication de la berce du Caucase dans ces stations.
  • Un inventaire du nombre d’individus de berce du Caucase du site et du nombre de hampes florales. Ces prospections sont menées chaque année, depuis 2012. Le dernier inventaire global en date a eu lieu le 8 juillet 2022, et concerne 5 secteurs localisés le long de la Lane. Il y a aussi eu des compléments d’inventaires réalisés par Force 06 (Délégation du CD06) sur les secteurs en amont de la route D2 autour du village de Thorenc, le long de la Ravinette et à l’ancien sanatorium. Cette cartographie fine, permet d’évaluer la progression de l’espèce dans les secteurs envahis.
  • Des opérations d’arrachage manuel. Afin de s’assurer que la quasi-totalité de la racine soit arrachée, ces opérations difficiles ne sont menées que sur des jeunes plants ou dans un sol meuble. Cette solution coûteuse en temps est à privilégier sur des sites peu envahis et avec des jeunes plants. Concernant ces opérations, il faut souligner la forte implication de Force 06 qui a élaboré un outil adapté à ces actions : la bêche Maurin (bêche plate coupée en biseau).
  • Des expérimentations d’arrachage mécanique de la berce du Caucase à l’aide d’une mini-pelle, avec suivi de l’évolution de la végétation. Ces opérations se sont déroulées au niveau du Lac de Thorenc, par Force 06, le 17 octobre 2013. Un relevé de végétation a été réalisé avant et après (au printemps 2014) le traitement à la mini-pelle. Sur l’ensemble de sites expérimentaux (1200 m² au total), une mini-pelle de 2 tonnes et 3 personnes ont été mobilisées. L’objectif de cette expérimentation est d’améliorer les méthodes de lutte et de les transposer par la suite aux autres sites colonisés. Ce type d’opération est à envisager sur des populations de berce du Caucase étendues.
  • Des expérimentations en lien avec le pastoralisme bovin ou ovin. En effet, cette méthode est considérée comme prometteuse sur des sites adaptés à cette dernière et avec des populations denses. Ainsi plusieurs zones ont été définies comme propices à l’emploi du pâturage bovin pour gérer la berce du Caucase. Ainsi en 2014, un partenariat a été lancé entre le CBNMed et des éleveurs afin de réaliser l’analyse cadastrale du secteur et contacter les propriétaires privées possédant des parcelles envahies par cette EVEE et adaptées au pâturage bovin.
  • Un bilan cartographique des zones envahies et gérées. Dans le programme de la berce du Caucase, les missions du CEN PACA consistaient notamment à élaborer un diagnostic de la situation en 2013 (par le biais de prospection) et une cartographie des individus, dans l’objectif de délimiter des unités géographiques cohérentes, correspondant à des opérations de gestion (menée par Force 06). Ainsi, depuis 2013, 4 zones sont distinguées :(1) la zone historique, (2) la zone colonisée au début des années 2000, (3) la zone en cours de colonisationet (4) la zone pouvant contenir des graines. À l’intérieur de ces différentes zones sont localisés 5 secteurs.

La synthèse des opérations de gestion de la berce du Caucase montre qu'en 2021, les différentes actions réalisées dans les 5 secteurs envahis le long de la Lane sont :

  • un inventaire dans le secteur 5
  • un inventaire et l’arrachage de tous les individus, dans le secteur 4
  • un inventaire, la coupe des hampes florales et du pâturage, dans le secteur 3
  • un inventaire, la coupe des hampes florales et du pâturage, dans le secteur 2
  • un inventaire, la coupe des hampes florales, du pâturage et des opérations à la mini-pelle, dans le secteur 1

Plus d’informations : https://www.invmed.fr/src/listes/evee-fiche.php?cd_ref=101286

Résultats :

Dans le cadre de l’expérimentation sur le suivi de la banque de graines du sol, il y a eu entre 2012 et 2019 des opérations d’arrachage annuels. Le nombre d’individus (de tout âge) arraché est passé de 150 à 3 dans cette période. En 2020, aucun individu n’a été inventorié dans les 4 secteurs d’étude. Par ailleurs, il a été observé une diminution de plus de 90 % des germinations entre 2012 et 2016. Les autres placettes limitrophes ont fait l’objet de fauches pluriannuelles.

L'inventaire du nombre d'individus par suivi des placettes a montré, étant donné qu'aucune graine n’a été apportée sur l’ensemble des 4 secteurs depuis 2012 (compte tenu de la fauche de toutes les hampes florales sur les stations envahies), que les individus visibles en 2012 ne représentaient qu’environ un tiers des individus que l'on s'attend à trouver sur les 4 secteurs. En effet, entre 60 et 80 % des individus étaient à cette date sous forme de graines (dans la banque de graines du sol). Si l’on observe l’évolution du nombre d’individus ayant émergé de terre (grâce au suivi) on remarque que celui-ci est, au début des opérations, relativement faible (entre 20 % et 40%) par rapport à la taille de la population. C’est seulement au bout de 5 ans que 90 % de la population réellement présente devient visible (hors du sol). L’arrêt de la production de graines constitue donc un élément essentiel à la gestion de la berce du Caucase et un préalable à toute mise en place d’opérations de gestion de l’espèce. Au vu de ces résultats, la maîtrise de la production de graines (et ainsi des hampes florales), reste le paramètre majeur à prendre en compte (par rapport à la durée et aux moyens alloués) pour la gestion de la berce du Caucase.

Par ailleurs, il existe une comparaison des résultats entre les opérations d’arrachage et de fauche sur la berce du Caucase. Ces opérations ont été réalisées dans le cadre de l’expérimentation du suivi de la banque de graines du sol, depuis 2012. Moins de 10 individus étaient encore présents sur le secteur avec des opérations d’arrachage (5 ans après le début de la première opération), contre plusieurs centaines sur le secteur fauché. Dans les secteurs soumis à gestion, il s'avère que la méthode de gestion par fauchage soit moins concluante que par arrachage manuel.

Concernant les résultats des deux sites expérimentant des opérations à la mini-pelle, 1101 individus ont été arrachés en environ 4h, en majorité des individus adultes (en 2013). Avec 350 plants adultes retirés par homme et par jour, ce système a une efficacité importante. Seulement 2 passages, en 2016 et 2017, ont permis d’arracher la quasi-totalité des individus présents. Dans cet intervalle de 3 ans, aucune hampe florale n’a été produite et la végétation indigène a recolonisé le milieu, moins d’une année après chaque opération.

Les résultats des opérations de gestion de la berce du Caucase dans les 5 secteurs localisés le long de la Lane sont très positifs.

En effet, ces opérations ont permis une régression du nombre d’individus de cette EVEE de plus de 96 % sur le linéaire de la Lane (entre 2012 et 2022). De manière plus précise, l’espèce a disparu sur 56 % du linéaire, quasi disparu sur 68 % du linéaire et a subi une très forte régression (supérieure à 75%) sur 90 % du linéaire.

Par ailleurs, des mailles ont été tracées à l’intérieur des 5 secteurs cibles. En 2022, 90 % d’entre elles qui comprenaient initialement la berce du Caucase, sont entièrement sous contrôle en 2022. Cela représente 11 % de plus qu’en 2019. Néanmoins, il est nécessaire de rester vigilant en raison notamment de l’apparition de quelques rares nouveaux individus, inventoriés sur les marges du secteur envahi (en 2022). Également, plusieurs centaines d’individus ont été recensés cette année dans un secteur (en amont de la D2) où était menée une gestion différente par d’autres acteurs du territoire. Cette zone a finalement été prise en charge par Force 06 à partir de 2022, et un nouveau diagnostic devrait être réalisé au printemps 2023. En fonction des retours d’expérience et de l’ensemble de éléments de connaissance, il est proposé des ajustements annuels pour les opérations à réaliser sur chacun des 5 secteurs.

Par rapport à l’expérimentation du pâturage bovin pour gérer la berce du Caucase, cette méthode de contrôle semble être prometteuse sur des sites ayant déjà été la cible d’arrachage afin de contrôler l’émergence des nouvelles germinations.

Bilan financier :

Le programme de gestion de la berce du Caucase est estimé à un montant de 36 000 € TTC par an soit un total de 180 000 € sur 5 ans.

Références bibliographiques :

Diadema K., Le Berre M., 2020. La berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum Sommier & Levier), évolution de la banque de graines du sol. Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles. 8 p.

Conservatoire botanique national méditerranéen, 2017. La berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum Sommier & Levier), Plan de gestion de l’espèce. 31 p.

Diadema K., Le Berre M., De Barros G., Cottaz C., 2022. Appui à la mise en oeuvre de la gestion de la berce du Caucase – Synthèse des opérations de gestion. Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles. 6 p.

Référence iconographique : Bernadette Huynh-Tan
Rédaction : Théo Alabert

DURÉE
2016-actuel


MONTANT
180 000 € (5 ans)


SITE WEB DU PROJET
https://www.invmed.fr/_DATA/RES/Initiatives/[CD06%202017]%20Plan%20de%20gestion%20Heracleum%20mantegazzianum.pdf


OBJECTIFS


(1) Éviter la dissémination de la berce du Caucase depuis les foyers les plus importants, limiter leur expansion et si possible les faire régresser. Également, éradiquer l’espèce dans les petites stations. (2) Mettre en place un programme de gestion et de contrôle à long terme de la berce du Caucase. (3) Organiser une information locale auprès des élus, propriétaires privés, habitants et de certains acteurs locaux.
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